ENERGIES ET SOUFFLES
Souvent traduit à tort ou à raison par le terme énergie, la notion de Qi (en chinois, prononcé « tchi »), ou Ki en japonais, recouvre des aspects de chaleur et de mouvement. Les sciences physiques occidentales nous disent que l’énergie est la grandeur qui caractérise un changement (de position, de température, de volume, etc…).
La vision orientale et taoïste du concept est complexe car elle recouvre d’autres aspects, comme ceux de la fonction, du rythme ou encore de l’information. Dans ce cadre, le terme Qi est souvent traduit par les souffles.
SIGNIFICATION DE L’IDEOGRAMME QI
Tout d’abord, un petit détour par la calligraphie chinoise. L’idéogramme du Qi est composé de deux caractères : il nous montre le grain de riz 米 surmonté du caractère pour la vapeur 气 qui s’élève en nuage. On peut y voir la nature bivalente du Qi, à la fois matérielle et immatérielle
On peut aussi interpréter cet idéogramme comme un chaudron de riz sur le feu, qui cuit en dégageant des vapeurs. Cela souligne les racines du Qi dans les processus de digestion.
D’une manière générale, le terme Qi désigne l’énergie vitale des organismes et des êtres vivants, ou encore la « vibration » des choses.
COSMOLOGIE CHINOISE
Dans la philosophie taoïste, à l’origine était Wu Ji, le chaos primordial, aussi appelé vide absolu ou néant. C’est le monde non-manifesté, un océan immobile de potentialités infinies, la soupe primordiale de la création. Puis le monde se manifeste et se met en mouvement. Le Qi apparait et se différencie en Yin et en Yang, c’est le Tai Ji, dont le symbole bien connu est représenté avec un cercle contenant du noir et blanc.
« Le Tao est venu du Vide, et le Vide a produit l’Univers. L’Univers produit le Qi… Ce qui était pur et léger s’est envolé pour créer le Ciel, et ce qui était lourd et trouble s’est solidifié et a donné la Terre »
Huai Nan Zi (122 AEC), cité par Giovanni Maciocia dans
« Les principes fondamentaux de la médecine chinoise ».
Le Qi est considéré comme la substance fondamentale essentielle qui compose et traverse tout l’univers, lui assurant ainsi une cohérence. L’univers est considéré comme un amas de souffles, à l’image de l’océan qui est constitué d’un amas de gouttes d’eau. Ainsi, vu de loin il ne s’agit que d’eau, mais si l’on décide de regarder d’un certain angle et d’une certaine distance, on peut distinguer des courants chauds, des courants froids, profonds ou en surface… Il en est de même pour le monde manifesté, où vu d’un certain angle les souffles peuvent prendre une certaine qualité, notamment Yin et Yang.
Ici matière (yin) et énergie/souffles (yang) sont indissociables, le fameux E=mc² d’Einstein n’est pas loin. Le dense est un amas de Qi qui se concentre et se condense pour former la matière. De même, le subtil est un amas de Qi qui se disperse et perd de sa densité.
« Le Grand Vide est composé de Qi. Le Qi se condense pour donner la multitude des choses. Nécessairement, ces choses se désintègrent ensuite et retournent au Grand Vide. […]
Si le Qi se condense, on le voit effectivement, et une forme physique apparait. […]
Le Qi en état de dispersion est de la substance, et il en est de même lorsqu’il est en état de condensation. […]
Chaque naissance est une condensation, chaque mort est une dispersion. La naissance n’est pas un gain, la mort n’est pas une perte … lorsqu’il se condense, le Qi donne l’être humain, lorsqu’il se disperse, il devient le substrat des changements. »
Zhang Zai (1020-1077), cité par Giovanni Maciocia dans
« Les principes fondamentaux de la médecine chinoise »